Jamais on n’avait autant entendu parler des aides fiscales à l’innovation (CIR, CII et JEI) que ces derniers jours. Dans les médias, dans la sphère politique, sur les réseaux sociaux : impossible de passer à côté du sujet.
Il faut dire que la publication du projet de loi de finances pour 2025, la semaine dernière, a fait couler beaucoup d’encre. En l’état, ce projet redessine largement le panorama du financement de l’innovation au détriment des startups et PME.
Mais y a-t-il vraiment de quoi plonger dans la sinistrose ?
Au vu des évènements récents, de ceux à venir et surtout quand on sait à quel point les différents projets de loi de finances ont été modifiés lors des dernières années, il y a de quoi être résolument optimiste. Explications…
Au sommaire de cet article :
Article mis à jour le 17/10/2024
1. Ce que dit le projet de loi de finances pour 2025
Avant de détailler le contenu du projet de loi de finances pour 2025, il est indispensable de revenir sur la manière dont il a été échafaudé ou plutôt sur le délai alloué à sa construction : deux semaines.
C’est bien trop court ! C’est la conséquence de l’instabilité politique née de la dissolution de l’Assemblée Nationale cet été. Avec un Premier ministre nommé début septembre et un gouvernement annoncé le 21 septembre, il a fallu proposer un budget en quelques jours à peine. C’est pourquoi Michel Barnier a notamment déclaré : « C’est un budget perfectible, j’ai dû le construire en quinze jours, jamais un Premier ministre n’a dû le faire en quinze jours, ce n’est pas possible de tout faire bien. »
Le contexte posé, voyons maintenant ce que l’on trouve et ce que l’on ne trouve pas dans ce projet concernant les aides fiscales à l’innovation.
Concernant le crédit impôt recherche : alors qu’il revient régulièrement dans le débat public et qu’on pouvait s’attendre à quelques coups de rabot, le CIR, première niche fiscale de France avec un budget annuel de 6,9 milliards d’euros, n’est pas mentionné dans le projet de loi de finances pour 2025. Autrement dit, son fonctionnement reste inchangé.
Concernant le crédit impôt innovation : mis en place en 2013 afin de favoriser la croissance des PME innovantes, le CII qui est capté par 10 000 entreprises pour un budget total de 350 millions d’euros, avait été prolongé avec la loi de finances pour 2022 jusqu’au 31 décembre 2024. La prolongation du CII à partir de 2025 n’est pas évoquée dans le projet de loi de finances actuel. Cela signifie, pour l’heure (mais nous verrons plus tard dans l’article pourquoi cela devrait évoluer) un arrêt du CII à la fin de l’année. C’est-à-dire que les entreprises pourront toujours déclarer en 2025 du CII sur leurs dépenses en innovation réalisées en 2024. Mais elles ne pourront plus déclarer en 2026 du CII sur leurs dépenses en innovation réalisées en 2025.
Concernant le statut Jeune Entreprise Innovante : alors que ce dispositif avait fait l’objet d’une réforme il y a tout juste un an pour le rendre accessible à un plus grand nombre de PME, le nouveau projet de loi de finances lui porte un coup dur en effaçant à partir de 2025 son principal avantage, à savoir la réduction des charges URSSAF sur les salaires du personnel de R&D. Un avantage qui représente en moyenne une économie annuelle de 47 000 euros pour les entreprises bénéficiaires.
2. Pourquoi il y a de quoi être optimiste ?
D’abord car le Premier ministre a pleinement conscience que son projet de budget doit être amélioré, il a d’ailleurs lui-même déclaré :
Je demanderai à mon gouvernement de s’appuyer davantage sur le travail parlementaire : propositions de lois, amendements, recommandations des commissions d’enquête ou d’information, évaluation des politiques publiques.
Cela tombe bien, cela n’a pas traîné ! De nombreux parlementaires ont protesté contre ce projet de loi beaucoup trop pénalisant pour les startups et les PME innovantes.
Près de 80 amendements concernant les aides fiscales à l’innovation ont déjà été déposés, venant de parlementaires de tous bords (Renaissance, PS, LFI, LR, PC, RN, Écologistes, MoDem, Horizons). Et parmi les demandes les plus récurrentes, on retrouve la prolongation du crédit impôt innovation. Des amendements qui seront discutés à l’Assemblée nationale au cours des prochaines semaines.
Le statut JEI a lui aussi ses protecteurs. Plusieurs amendements déposés concernent ce dispositif. Et de nombreuses voix s’élèvent dans l’écosystème de la French Tech pour réclamer le maintien des réductions de cotisations patronales qu’il apporte.
Enfin, il est indispensable de rappeler que le climat d’incertitude que nous vivons autour de la pérennité du CII et du statut JEI est tout sauf nouveau. Ces deux dispositifs ont toujours fait l’objet d’une prolongation de quelques années arrachées suite à des amendements de dernière minute.
Prenons l’exemple de la loi de finances pour 2022 : Fin septembre 2021, au moment de son dépôt, le projet de loi de finances pour 2022 n’évoquait pas une prolongation du crédit impôt innovation. Il a fallu attendre les amendements et les échanges parlementaires pour voir le dispositif revenir sur le devant de la scène avec notamment un amendement en ce sens déposé au mois de novembre 2021. Une proposition adoptée puisque la loi de finances promulguée le 30 décembre 2021 évoquait bien la prorogation du crédit impôt innovation.
Même histoire fin 2019. Alors que le statut JEI arrivait à terme au 31 décembre 2019, le projet de loi de finances pour 2020 ne mentionnait pas une prorogation du dispositif. Il a fallu attendre un amendement déposé le 22 novembre 2019 pour voir le statut JEI prolongé de trois ans.
En résumé, il n’est pas si étonnant de constater l’absence de prolongation du crédit impôt innovation lors du dépôt de la proposition de budget 2025. La bonne nouvelle, c’est que le CII s’est invité dans le débat bien plus tôt qu’à l’accoutumée et a bénéficié dans la foulée de plusieurs amendements pour le protéger. Idem pour le statut JEI qui bénéficie aussi d’un fort mouvement de soutien.
Les choses vont évoluer d’ici la fin novembre avec la tenue des différentes séquences parlementaires. Nous y verrons alors beaucoup plus clair. Il n’y a donc, pour l’heure, pas de raison d’être inquiet outre mesure au sujet du CII et du statut JEI. Deux dispositifs qui ont fait leur preuve et dont l’efficacité n’est plus à démontrer.
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